Pour des politiques favorables au développement de l’agriculture familiale: et si on s'inspirait de l'exemple du Brésil?
Les politiques de
désengagement de l’Etat après les années 80 en matière d’appui à l’agriculture
en général et familiale en particulier ont conduit les acteurs locaux à prendre
les devants, surtout avec l’impulsion des ONG. Ceci, dans le but de contribuer
à la mise en place des politiques. Au Sénégal la disparité de nos
agricultures laissent apparaître deux systèmes d’exploitation qui essayent tant
bien que mal de cohabiter dans un environnement rural plus ou moins apaisé et
permettant aux 2 systèmes de remplir les tâches qui leur sont dévolus.
L’agriculture familiale remplit aujourd’hui plus une tâche sociale
qu’économique. Cependant, il est évident que vu l’ampleur de la main d’œuvre
qu’elle utilise et son rôle prépondérant dans l’aboutissement de la sécurité
alimentaire du pays, l’heure est alors, de reconsidérer nos politiques en
faveur de cette agriculture. C’est-à-dire, des politiques répondant spécifiquement
aux défis de production en quantité et qualité. L’idée des efforts de
développement centrés sur tel ou autre système apparaît aujourd’hui dès lors
que la mondialisation a fini de vouloir uniformiser les systèmes de production
au point d’imposer à toute nation d’adopter une certaine agriculture tournée
vers le productivisme accrue, agriculture ne s’occupant que très peu de la
gestion des ressources naturelles. Il apparaît dans ce contexte que le modèle
brésilien en faveur de l’agriculture familiale est un bel exemple dont pourrait
s’inspirer l’Afrique notamment le Sénégal. L’aboutissement d’un tel modèle
malgré un résultat quelque peu mitigé a enregistré des progrès indéniables.
Comparer le Brésil de Lula même à un quelconque pays d’Afrique de l’ouest serait
aberrant de ma part, le Brésil figure aujourd’hui parmi les premières économies
mondiales : c’est pourquoi, exporter un tel modèle pour les pays d’Afrique
de l’ouest suppose donc des préalables. Et cette stratégie de recentrage de nos
politiques en faveur de l’agriculture familiale repose en premier sur un
volontarisme politique. Et ce volontarisme politique fort a été le fer de lance
de cette politique renforcée notamment avec la venue de Lula à la Présidence
malgré un contexte économique difficile. Le Brésil doit aujourd’hui son
émergence grâce au renforcement des capacités des exploitations familiales
matérialisé par le programme Faim Zéro qui devait aboutir à la sécurité
alimentaire et nutritionnelle du pays. Ce programme est en fait un condensé de politiques
de développement rural avec une coordination presque parfaite.
(Il ne s'agira ici que de parler des grandes
lignes du programme Faim Zero)
Une Combinaison d’actions sociales (d’urgence) et de
développement.
Le milieu rural est
aujourd’hui marqué par une extrême pauvreté et les perspectives de
développement n’ont pas su donner tous les résultats escomptés. Il urge donc de
renforcer la protection sociale des acteurs ruraux notamment les paysans. Dans
le cadre du programme Faim Zero ce volet a été rempli en proposant une bourse familiale aux populations les plus démunis avec la possibilité pour les fonds reçus de
pouvoir couvrir les frais de scolarité ou les frais de santé de la famille.
Pour être bénéficiaire un certain nombre de conditions doivent être réunies. Cette
bourse familiale est un programme de transfert de revenus. L’état apporte une
partie des fonds destinés à ce programme, l'autre partie des fonds provient de
la banque mondiale et des taxes et impôts : impôt sur la circulation des
marchandises et la prestation de services, impôt sur les produits industriels,
impôt sur les services.
Implication des organisations de producteurs
La participation des
organisations de producteurs dans tout le processus de mise en place des
politiques a été cruciale. En effet le schéma mis en place tenait compte
réellement des préoccupations du monde rural. Les organisations de producteurs
sont ainsi membre des instances telles que le CONSEA (Conseil National de
Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle) capable de promouvoir les débats au
sein de la société civile mais aussi de valoriser leurs propositions dans la
formulation des politiques. Ces OP sont aussi membre de la CAISAN (Chambre
Interministérielle de Sécurité Alimentaire et Nutritionelle) qui est un espace
de prolongation des débats. Ces deux strutures CAISAN et CONSEA constituent
ainsi le SISAN (système National de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle). Ce
procédé garantissait donc une appréciation des politiques agricoles par la
société civile, elle ne peut certes pas proposer des politiques mais peut
apporter des corrections ou avoir des réserves sur telles ou autre
politique.
Système d’octroi de crédit et assurance
L’environnement bancaire
n’offre réellement pas de crédits bien adaptés à l’agriculture familiale. Le
développement de cette dernière repose sur un accès facilité au crédit mais
aussi à l’assurance. Les aléas climatiques renforcent aussi cette réticence des
banques à octroyer des crédits surtout s’il s’agit de crédits à long terme.
Pour pallier à cela l’Etat offre un crédit à bas taux d’intérêt pour suppléer
ce « vide bancaire ».
Connecter le rural et l’urbain et différencier
l’appui entre ces zones
La forte urbanisation a
fini d’embourgeoiser la société de sorte que la population est devenue plus
exigeante sur la qualité des produits. L’on ne produit plus seulement pour la
famille, moins soucieuse de l’aspect qualité du produit, l’on doit penser au
respect des normes. C’est pourquoi la connaissance des données du marché est
primordiale. Les programmes d’achat mis en place par l’Etat brésilien ont
débouché sur le respect par les paysans des règles minimum de qualité. Ceci
peut considérablement réduire les intermédiaires et permettre aux acheteurs en
zone urbaine d’accéder aux produits à leur prix réel. Le programme d’achat
d’aliments est aussi un moyen d’encourager l’agriculture biologique en
bonifiant les prix d’achat pour ce type d'agriculture. Il est combiné au
programme d’alimentation scolaire qui est venu pour valoriser les productions
locales tout en inculquant un devoir de consommer local aux populations.
Une approche intersectorielle de la stratégie
L’agriculture par ses
retombées ne saurait être analysée sur une simple approche sectorielle. En même
temps qu’elle assure la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la société,
elle est le plus grand pourvoyeur d’emploi. C’est aussi le secteur capable par
un effet d’entrainement sur les autres secteurs d’assurer la croissance du
pays. C’est pourquoi une approche intersectorielle s’impose.
Force est de reconnaître
alors qu'en termes de mobilisation de ressources humaines et financières pour
le développement rural, le programme Faim Zero est un programme novateur et
très bénéfique pour l'agriculture familiale. Par contre si ce modèle semble séduire,
il requiert un certain nombre de préalables. D’abord une forte volonté de
recentrer nos politiques en faveur de cette agriculture. Le Brésil a consenti
des investissements conséquents pour la réussite du programme Faim Zéro. En
effet les fonds destinés à ce programme étaient 4 fois supérieurs au budget de
la FAO. Quel pays africain pourrait se targuer de mobiliser une telle somme à
lui seul pour un programme ? Et qu'en plus qu'à l'heure actuelle on réclame toujours nos 10% promis par nos chefs d'Etat pour financer l'agriculture. Le Sénégal, comme tout pays africain devrait
alors se mettre dans une logique de mise en place des politiques au niveau
régional et non national. Sans oublier que l’apport des organismes
internationaux comme celui du secteur privé a été moindre dans le finanacement de Faim Zero. Ce financement
devrait donc en partie provenir des fonds de l’Etat, c’est pourquoi le
renforcement des mécanismes financiers et fiscaux est nécessaire. Egalement
dans le cadre du programme d'achat d'aliments la transparence doit être de mise
sans quoi les véritables acteurs de l'agriculture familiale seraient
écartés. Aussi les exploitations cibles doivent être clairement déclinés
auquel cas certaines exploitations présentant un niveau de développement faible
se verraient exclus. Par ailleurs l’impraticabilité des routes,
conjuguée à la fragmentation des mouvements paysans qui ne sont plus regroupés
en coopératives rendent encore plus difficile la connexion entre producteurs
ruraux et marchés urbains. La mise en place d’infrastructures de conservation
comme d’infrastructures de transport est alors le seul moyen de sauver tous ces
produits qui pourrissent entre les mains des producteurs qui ne peuvent ni les
transporter, ni les vendre ou les stocker.
Reproduire le modèle brésilien
de renforcement de l'agriculture familiale semble être un chemin propice de
développement de l'agriculture en Afrique pour espérer une croissance élargie
aux autres secteurs. C'est après avoir relevé tous les défis que pose
l'exportation d'un tel modèle qu'on pourra réellement procurer un environnement
de développement favorable à l'agriculture familiale.
Un bel exemple mais quatre fois le budget de la FAO, je ne vois pas comment cette somme pourrait être mobilisée par nos Etats qui sont financièrement malades. Ce qui me semble important à retenir la dedans, c'est la volonté politique et la qualité organisationnelle qui l'a accompagnée. Il est toujours important de s'inspirer des programmes réussis mais la réflexion doit partir des potentialités de nos pays couplées à leurs réalités socio-économiques. Bonne réflexion frère, l'article est intéressant.
RépondreSupprimerLà dessus je suis parfaitement d'accord avec toi, un exemple qui peut nous inspirer c'est clair surtout avec cette panoplie d'acteurs qui jgravitent autour de l'activité agricole. Et ce n'est qu'autour de discussions élargies à tous ces acteurs qu'on peut fédérer les actions. Egalement asseoir des systèmes de suivi-évaluation performant. Quant au financement c'est clair c'est pas quelque chose qu'on mobilise au niveau national. C'est au minimum au niveau sous régional qu'on peut espérer mobiliser à peu près une telle somme.
SupprimerSinon merci pour ce commentaire qui ouvre le débat.
A L'exception du SÉNÉGAL, beaucoup de pays africains sont producteurs de Pétrole ou ont des ressources minières conséquentes. Du coup les moyens financiers ne manquent pas mais plutôt la volonté et une bonne politique de développement. Ce modèle est faisable dans nos pays mais faut valoir au préalable que nos dirigeants arrêtent de nous leurrer. - Excellent billet Cher Ami
RépondreSupprimerLa volonté c'est tout ce qui nous manque en fait, faut vraiment croire fermement que seul l'agriculture peut développer un pays pour mettre tous les moyens financiers qu'il faut. Sur la richesse de certaines pays en pétrole, où les disparités entre agro-business et agriculture familiale ne sont pas assez tranchées, on doit pouvoir exploiter cette richesse en pétrole notamment dans le cadre de transferts de revenus.
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